Comment j’ai arrêté de détester les mecs

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Comme pour beaucoup de mecs, la découverte du féminisme a été un choc, à la fois possible « grâce » aux stéréotypes de genre infligées à mes filles à peine nées, puis à travers les discussions avec les lectrices de madmoiZelle sur les forums.

La fameuse « pilule rouge du féminisme » aura eu un double effet moyen-long terme sur moi :

Apprendre à regarder en soi

D’abord, elles m’auront « obligé » à questionner mes comportements actuels et passés. Ce fut (et c’est toujours) un travail dur, pénible, qui oblige à regarder à l’intérieur de soi pour y trouver parfois des façons de faire de salaud (j’avais écrit sale con, avant de me raviser, j’essaie de ne plus utiliser con qui représente le sexe féminin pour découvrir un comportement de salaud) (mais putain que c’est dur) (hé merde).

Ce fut un travail long, pénible, qui appuie là où ça fait mal et pourtant : je ne crois pas avoir un énorme palmarès de salaud.

Attention, je ne dis pas que je n’ai pas pu être un salaud par moments. Oh que non. Simplement, je crois que j’ai été (et que je peux toujours être) un salaud léger.

« Un salaud léger »

Je vous explique ensuite pourquoi mais avant ça, une précision :

Quand je parle de salaud, entendez « toutes les conneries que le putain de patriarcat m’a mis dans la tête depuis ma plus tendre enfance sur voilà ce qu’il faut faire si tu veux être UN MEC, même si je me disais au fond de moi tu n’as pas du tout envie d’être ce mec mais puisque c’est la seule façon d’être UN MEC, il faut bien le faire« .

Je ne crois pas être (ou avoir été) un énorme salaud car j’ai eu la chance de rencontrer Cath à 17 ans, et de tomber très vite amoureux d’elle. Cet amour m’a offert la possibilité de la considérer comme un être humain à part entière et pas comme « une meuf ».

« Les meufs », ces êtres étranges que les mecs ne peuvent pas comprendre mais qu’ils gardent quand même à leurs côtés parce qu’on leur a dit que c’était ce qu’il fallait faire pour être UN MEC.

Oui, je sais. Ça pourrait être la base de toute relation humaine, de considérer le « sexe opposé » comme notre égal. Mais le patriarcat fait bien les choses : les hommes viennent de Mars, les femmes viennent de Vénus, on n’est pas faits pour se comprendre, voyez-vous.

Tomber amoureux à 17 ans

Avec le recul, c’était un magnifique cadeau de découvrir que Cath – et donc les femmes – étaient mes égales à 17 piges.

Je me suis rendu compte avec les interviews du Boys Club que pas mal de mecs avaient cette « révélation » aux alentours de 25-30 ans. Ce qui donne 13 ans de plus pour aiguiser ses moves de salaud, de gribouiller, de raturer et de bachoter ce fameux « Parfait manuel pour être UN MEC ».

Je me dis que plus tu avances dans la vie, plus ça doit être compliqué à gérer. À peine tu entrouvres la boîte de Pandore de la masculinité que tes actes passés te reviennent à la gueule comme un boomerang. Donc forcément, 1/ plus tu vieillis, plus ces actes doivent être nombreux et 2/ si tu n’as pas les outils pour gérer les émotions que ça procure, tu préfères la refermer, la boîboîte, et t’asseoir dessus le plus longtemps possible.

Je ne crois pas que tu puisses faire ce job sans un minimum de bienveillance envers ton Toi du passé. Ça nécessite de faire tout un travail sur soi, et c’est une tâche très compliquée.

Ce qui m’amène à mon second point.

Il y a un moment où j’ai fini par me dire « hé les gars, si moi j’y arrive, alors que clairement je suis pas un modèle de MEC, putain de pourquoi vous ne vous y mettez pas tous, bande de bébés apeurés cachés derrière vos grosses barbes de bruns barbus ??? »

Ich bin misandre

Je suis devenu assez rapidement misandre (la misandrie, le fait de détester les hommes — l’inverse de misogynie en gros). Un peu comme ces filles qui n’aiment pas les autres filles, piège ultime du patriarcat contre les femmes. Diviser pour mieux régner, le BA-ba de la stratégie de la guerre.

Le niveau de self-conscience des mecs (clairement : la plupart du temps au ras-des-pâquerettes) a fini par m’énerver.

Une colère salvatrice

Cette colère m’a aidé dans un sens, puisqu’elle m’a permis de comprendre celle des femmes à l’égard des mecs. Si j’arrivais à développer cette aversion envers mon propre genre, alors qu’ils ne m’avaient rien fait (à l’exception près du harcèlement scolaire au collège), alors imagine ce que les femmes, bolossées, méprisées, harcelées, tabassées, violées, tuées pouvaient ressentir.

Comme souvent me concernant depuis la création de madmoiZelle, la lumière est venue de l’une d’entre elles. Alors que Mymy voulait lancer The Boys Club sur madmoiZelle, elle s’est rendue compte que seule face à ses invités, elle aurait du mal à les faire lâcher prise et à se livrer.

Une « figure » masculine était nécessaire, ce qu’elle m’a donc demandé d’incarner. J’y amenais aussi mon vécu masculin, notamment sur des angles morts qu’elle pouvait avoir, notamment au départ.

The Boys Club m’a sauver

Je crois que je peux le dire aujourd’hui mais The Boys Club, couplé à Histoires de Darons, m’a réconcilié avec le genre masculin. Derrière environ 90% des invités, se cachaient des petits garçons apeurés, qui portaient pour la plupart un masque (le fameux The Mask You Live In), coupés de leurs émotions.

Et pourtant ! La plupart d’entre eux étaient des gars « déconstruits », côtoyant les milieux féministes, conscients de leurs masculinités. Autant dire : les quelques exceptions dans le grand monde des MECS, des vrais. Imaginez donc chez nos confrères encore emprisonnés des conneries du patriarcat, le chemin à parcourir pour eux…

Pardonner, et me pardonner

Je me suis rendu compte qu’il n’y avait pas d’autres possibilités pour arriver à l’égalité femmes/hommes que de les comprendre, les écouter, leur pardonner — et sans doute me pardonner en passant.

Si je ne faisais pas, moi, ce boulot, alors que j’avais pas mal de tenants et d’aboutissants en main, très peu d’autres mecs le feraient. Enfin, c’était d’autant plus nécessaire et éclairant dans ma position de fondateur de madmoiZelle.

Ce fut un chemin personnel tortueux, sur lequel je continue d’avancer, même si je me fais de temps à autre des auto-croche-pattes. Work in progress, comme ils disent.

Regardez The Work, le docu sur la masculinité !

Sur ce parcours de « pardon » vis-à-vis de mon genre, j’aidécouvert grâce à Mai Hua un documentaire fabuleux, intitulé The Work (tiens donc, « Le Travail »), diffusé à l’origine sur la BBC.

On suit trois mecs qui participent à des groupes de paroles dans une prison maximum security aux US.

Dans ces groupes : des prisonniers, souvent incarcérés à vie pour des meurtres, des kidnappings, des braquages, des ex-taulards devenus « facilitateurs de parole » et des personnes de l’extérieur, qui peuvent y prendre place s’ils le souhaitent pendant quelques jours.

Sans doute le meilleur docu sur la « masculinité consciente »

Ce docu est sans doute ce que j’ai vu de plus abouti sur la « masculinité consciente ». Les prisonniers, qui n’ont que ça à faire de leur vie de réfléchir à pourquoi ils ont commis ces méfaits, partagent leur vécu et leurs émotions comme j’ai rarement entendu des mecs en causer. Et encore moins DES VRAIS MECS, barbus, tatoués, musclés et tout le package du MEC qui va avec.

Je vous invite à le regarder. Maintenant. À le montrer aux mecs autour de vous. Il est disponible sur Auvio, la plateforme VOD de la RTBF, jusqu’en décembre 2020. Bon, il faut être en Belgique ou avoir un VPN. Mais merci les Belges <3

Les mecs n’ont pas d’autres choix que de se confronter à cette part sombre qu’ils ont en eux. Enfin, si, tu peux choisir de ne pas le faire, mais tôt ou tard, ça te pétera à la gueule.

Abonnez-vous au podcast Histoires de Mecs, que je reprends après la vente de madmoiZelle à Humanoid. Le premier épisode avec Cyrus North est passionnant, et les prochains le seront tout autant. Je sortirai un nouvel épisode tous les 1er et 15 de chaque mois.

Je vais tenter d’y apporter cette patte et aussi ce qu’il faut d’amour et de compassion envers mes invités. D’ouvrir encore plus la parole aux hommes sur ce chemin si sinueux qu’est la déconstruction de sa masculinité.

Et en passant, abonnez-vous à ma newsletter, je vous tiendrai au courant de mon chemin sur l’acceptation des autres mecs, ça reste un travail que je continue à mener.

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