Peu de gens le savent, mais c’est pourtant une réalité : derrière le succès de madmoiZelle, il y a eu plein de femmes, mais surtout une femme, ma femme [édit de mai 2020 : ma désormais ex-femme], Cath.
Pendant 7 années, elle a subvenu aux besoins de la famille, alors que nous choisissions tous les ans de réinjecter l’intégralité des bénéfices de madmoiZelle dans l’entreprise, plutôt que de me payer. (notez bien que dans notre cas, on se paie pour une très grande partie de nos revenus en dividendes, sur les bénéfices réalisés de l’année écoulée – la condition sine qua none étant donc déjà que l’année ait été bénéficiaire)
Pendant 7 ans à la tête de madmoiZelle, je ne me suis pas payé un rond.
Les gens qui n’ont jamais créé de boîte diront que je raconte des bobards, les crétins ignorants de tous bords iront même déblatérer que je m’en mets « plein les fouilles » sur le dos du féminisme.
Forcément, dans l’inconscient collectif (français), quand on est un patron, on cherche à tout prix à s’enrichir à n’importe quel prix sur le dos de son entreprise. Pour ces étroits d’esprits, y’a comme une dissonance cognitive dans mon histoire.
Et pourtant, douze ans plus tard, c’est un fait : j’ai créé madmoiZelle pour donner vie à ce projet, pas forcément pour m’enrichir. En tout cas, l’argent n’a jamais été mon moteur (parfois à mon grand dam). Nos comptes familiaux l’attestent.
Quand je dis « peu de gens le savent », c’est que je ne l’ai jamais dit officiellement. Par pudeur, mais aussi par peur de paraître misérabiliste. Je l’ai glissé ici et là, souvent au fil des discussions sur le forum madmoiZelle, en passant, mais ça restait — forcément — sur un public très restreint.
Avec le recul, c’était stupide : ça fait partie de mon Histoire, de l’Histoire de madmoiZelle, de l’Histoire de notre couple.
D’autant plus que c’est une vraie fierté pour moi, d’avoir réussi grâce à ma femme à créer une entreprise rentable depuis ses débuts, qui emploie aujourd’hui une vingtaine de salarié·es à plein temps.
Clémence Bodoc me disait un jour que madmoiZelle était – je la cite – « un petit miracle ». Dans ce contexte de marché publicitaire tendu, d’internautes amoureux des adblockers et réticents et à payer leur contenu, réussir à gagner de l’argent grâce à de la publicité en ligne, tout en faisant preuve d’une forme d’éthique et de respect de nos lectrices, c’est sans doute, effectivement, un petit miracle.
Mais ce miracle n’aurait jamais vu le jour si je n’avais pas eu à mes côtés une partenaire aussi extraordinaire, capable de voir le projet à long terme, d’accepter de prendre cette responsabilité pendant autant d’années, d’endurer le stress de rentrer toute la thune du foyer — bien sûr, j’aurais pu me payer plus tôt, mais c’eut été au détriment du projet madmoiZelle, qui a été à plusieurs reprises depuis sa création fragile économiquement.
Ce ne fut pas facile tous les jours, pour moi, comme pour nous.
Souvent, on m’a regardé de travers, même chez mes proches : qui est ce mec qui décidait de ne pas aller chasser le mammouth, alors qu’il est le mâle de la famille, qui est ce mec qui choisissait de se reposer sur les frêles épaules de sa femme, de ne pas prendre ses responsabilités de chef de famille ?
De son côté aussi, certain·es ami·es et proches la regardaient tendrement, elle qui finançait les yeux fermés ce mec qui faisait mumuse avec son site web pour les jeunes meufs. Limite julot casse-croûte. Elle a eu droit à son lot de jugements, qui se sont peu à peu estompés, que madmoiZelle gagnait en notoriété et en puissance.
Au sein de notre couple aussi, il y eut des périodes plus compliquées, ça n’a pas été toujours évident de réussir à tenir ce deal de couple. Mais même dans les moments les plus tendus, on a su se parler et tenir ce cap.
Si vous lisez madmoiZelle, notez bien que le magazine n’existerait probablement pas sans l’apport fabuleux de ma non moins fabuleuse moitié. Vous pouvez lui dire un grand merci. Vous pouvez même la remercier concrètement en vous offrant ses services si vous avez un projet immobilier à Lille, par exemple 🙂
L’occasion de le dire “officiellement” s’est présentée quand, dans le cadre de la campagne Les Lillois ont du talent, l’équipe de com de la mairie m’a demandé si je connaissais un “Lillois de talent”. Je n’ai pas pu faire autrement que de citer Cath.
Bien sûr, limiter l’impact de Cath sur l’Histoire de madmoiZelle à un simple porte-monnaie est terriblement réducteur — et d’ailleurs, elle n’aime pas trop que je le fasse.
Bien sûr, elle a été d’une aide et d’un support incommensurables. Elle a été tous les jours présente, soit au quotidien après ses journées de boulot, avec son assistance si précieuse à la gestion de la boutique, ou dans les moments-clés, où elle a su me mettre de salvateurs coups de pied au cul.
Sans elle, c’est sûr que madmoiZelle ne serait pas là aujourd’hui, et pourtant, je pense que son apport « financier » est bien plus important et disruptif, pour plusieurs raisons :
- Pour commencer, sans ce soutien financier, on n’aurait jamais eu l’occasion de se poser la question d’ouvrir ou non des bureaux à Paris (l’air de rien, ce fut un sacré risque, pompant la quasi-intégralité de la trésorerie de la boîte à l’époque)
- Ensuite, il y a très souvent derrière chaque grand projet un projet de couple. On ne créé pas des boîtes durables dans un couple sain sans être main dans la main. On s’entraide, on se soutient, on s’envoie des shots de confiance mutuels. Mais on entend beaucoup moins d’histoires de mecs qui se sont appuyés sur leurs femmes pour financer leur projet.
- Notre « différence » à nous, elle est là, et même si ça peut agacer Cath, parce que pour elle, c’était « naturel » d’accepter de pourvoir aux besoins du foyer pendant toutes ces années, à mes yeux, c’est exceptionnel.
- Enfin, c’est magnifiquement aligné avec les valeurs du projet madmoiZelle. Je suis si fier que mes filles aient pu et continuent de pouvoir avoir cet exemple sous les yeux.
À écouter également, mon interview sur Nouvelle École :