Réflexion sur la fin de l’adolescence et ma place de daron (feat. Adrien & son sandwich)

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Il est 7h35 du matin, nous sommes le 11 juillet 2024, je viens de poser mes deux filles dans le taxi pour qu’elles rentrent à Lille, retrouver leur mère qui les emmène dans un magnifique voyage au Japon. 

Et là tout de suite, tout seul dans mon appart de vacances tout vide, l’oeil un peu humide, je viens d’avoir une révélation (bateau, certes) mais qui m’a saisi le bide : bordel que le temps est passé vite

Le saviez-tu ? Quand mes mômes avaient 12 ans, j’avais passé 75% de mon temps alloué avec elles. À 18 ans, j’ai passé 90% du temps avec elles.

On vient de passer 11 jours géniaux en vacances, les seules vacances que nous aurons ensemble cet été. Onze petits jours et puis c’est tout. 

Une première depuis 2020, l’année de notre séparation avec leur daronne, où on passait chaque juillet-août un mois au total tous les trois. 

Quatre semaines, quatre longues semaines où je prenais avec un bonheur absolu « ma dose » de daron, alors que j’étais sevré pendant le reste de l’année, à ne voir les filles qu’un week-end sur deux et la moitié des vacances scolaires — un choix que j’ai fait en 2020 et que je ne regrette absolument pas par ailleurs. 

Deux fois quinze jours, c’était super, ça permettait de prendre le temps, d’avoir des cool discussions — ou pas, de jouer au Ligretto, de traîner sur la plage (avec ou sans elles d’ailleurs), de se prendre la tête bien comme il fallait (l’adolescence n’a pas été de tout repos pour nos relations respectives).

Mais ça, c’était avant. Cet été, elles ont eu 18 et 16 ans — Kim fêtera ses 16 piges fin juillet, c’est à nouveau la fin d’une ère. 

Elles ont d’autres choses à faire que de venir passer leurs vacances avec moi : stage technique du BAFA pour l’une, partir en vacances avec sa BFF pour l’autre. Puis la rentrée, puis la folle vie qui reprendra. 

Et entendez-moi bien : je suis HEUREUX qu’elles soient autonomes, qu’elles ne soient pas scotchées à mes basques, qu’elles aillent vivre leur life

Mais pour autant, là, tout de suite, ça me fait un truc. Un nouveau deuil, dont la vie de parents est jonchée.

Je pensais à un truc hier midi, en passant à côté d’un jardin d’enfants, avec des tables de pique-nique. Un môme, Adrien de son prénom, je dirais 8-9 ans à vue de pif, a laissé tomber son sandwich par terre et sa mère lui pourrissait la gueule.

Je sais qu’il s’appelle Adrien parce qu’elle lui hurlait dessus « NON MAIS ADRIEN MAIS TU FAIS N’IMPORTE QUOI ADRIEN POURQUOI T’AS LAISSÉ TOMBER TON SANDWICH ADRIEN ??? ». 

Pauvre Adrien. Après, je n’ai assisté qu’à cette scène de vie, et si ça tombe, cette chute de sandwich était la goutte d’eau qui a fait déborder le vase de la patience de cette daronne. Si ça tombe Adrien appuie sur tous les boutons de sa mère, j’en sais rien et surtout je veux pas juger cette maman qui s’est emportée. Du tout. Au contraire, ça m’a rendu un peu triste. Pour elle, pour Adrien et pour mes filles et moi aussi.

Parce que je crois que j’ai pu être ce daron dans ma vie d’avant. J’avais très peu de patience, je détestais qu’elles fassent les bébés, je les faisais taire dès qu’elles pleurnichaient, j’avais du mal avec le fait qu’elles étaient des enfants, en somme. Des enfants qui font tomber leurs sandwiches, par exemple.  

J’avais un besoin absolu de contrôle. Je n’avais aucune foutue idée d’à quel point, déso pas déso, en tant que parent, tu n’as aucun pouvoir sur l’être humain qu’est ton enfant. Je voulais qu’elles fonctionnent comme j’en avais envie, tel une sorte de Mini-Moi, ou de robot qui obéit au doigt à l’œil.

Raté. Au mieux, en tant que parent, tu files un cadre à ton môme dans lequel il peut évoluer, tu lui files un sandwich à grailler et après, il peut le faire tomber ou pas, ça n’est plus de ton ressort. 

Lui hurler dessus ne changera pas grand’chose. J’ai pigé ça en écoutant André Stern me raconter sa vision de la parentalité dans Histoires de Darons. Son « Je t’aime parce que tu es comme tu es » m’a fait à la fois l’effet d’un coup de poing au foie et d’un immense câlin réconfortant. Je vous mets le lien dans les notes de cet épisode.

Le coup de poing parce que : bordel mais c’est vrai que c’est aussi simple que ça, et l’immense câlin parce que clairement, j’aurais aimé que mes parents — qui ont fait du mieux qu’ils ont pu vu d’où ils viennent — me traitent avec cet Amour-là. 

Un Amour avec un grand A, aussi simple à appliquer une fois qu’on en a trouvé le chemin qu’il est difficile d’accès.

Et attends, je fais genre « j’ai changé » mais c’est TELLEMENT compliqué : cette semaine encore, j’ai pu faire preuve d’impatience vis-à-vis de Kim, je me suis emporté, j’ai eu un coup de chaud d’autorité-à-la-con du genre « c’est comme ça et pas autrement ».  Comme des relents, des répliques, c’est encore là, de temps en temps. Ça va mieux mais j’me soigne.

J’en suis pas fier, mais la différence c’est qu’aujourd’hui, je me rends compte d’à quel point ces comportements abîment le lien à mes filles. Je suis allé m’excuser, la voix tremblotante, j’ai expliqué pourquoi j’avais réagi comme ça. Je répare, ou du moins j’essaie de le faire. Je fais de mon mieux, toujours. Sans doute comme la mère d’Adrien.

Pour revenir à ce deuil « ça y est l’enfance est passée et l’adolescence se termine », j’avais envie de dire à toutes les daronnes et tous les darons qui m’écoutent, et à la mère d’Adrien : « respire un coup, bientôt tu n’auras plus ça dans ta vie, ça te soulagera mais ça te manquera aussi quelque part. »

Je crois que j’aurais bien aimé qu’on me le dise quand les filles étaient plus petites. Mais je sais pas, peut-être qu’on me l’a dit, et que j’étais infoutu de l’entendre à ce moment-là de ma vie. Peut-être. Peut-être que j’étais obligé de passer par toutes les épreuves par lesquelles je suis passé pour vraiment comprendre tout ça.

Va savoir.

Dans tous les cas, je vous souhaite à toutes et à tous un bel été. Moi je fais un break, et je vais vous proposer pendant tout le mois de juillet-août des rediffs. Pour découvrir ou réécouter des épisodes qui m’ont marqué ces derniers mois.

Et n’oubliez pas : si mon podcast ou mon travail vous aide d’une manière ou d’une autre, vous pouvez m’aider en retour en m’envoyant de l’argent, c’est le meilleur moyen de me dire merci <3 

Je vous souhaite le meilleur, je vous souhaite un bel été !

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